….Vous avez la parole, expliquez-vous, vous êtes libre !

Nouvelle planche consacrée au procès des accusés d'Avril, "….Vous avez la parole, expliquez-vous, vous êtes libre !" fonctionne sur le principe de l'antiphrase et de la contradiction entre le titre et la représentation, le discours et l'image . Dans une salle d'audience, le président, au profil cruel, semble donner la parole à un accusé ou à son avocat, lequel est baillonné et maintenu fermement par deux autres juges qui le saisissent par les bras et le col. Au pied de l'accusé, gît le discours de la défense, déchiré et éparpillé. Derrière le groupe du premier plan, un homme a déjà la tête sur le billot, tandis qu'un juge devenu bourreau tient une hache et remonte sa manche sur son bras nu. A l'arrière-plan, d'autres magistrats siègent sur deux rangs. La justice apparaît ainsi comme une mascarade cruelle, où les droits de la défense sont bafoués et où le principe du débat contradictoire laisse place à la réalité d'un jugement expéditif. Daumier donne à sa caricature une grande efficacité visuelle, construite sur l'opposition entre la décontraction du président et le corps tendu et comme écartelé de la défense. le groupe de droite n'est d'ailleurs pas sans rappeler l'iconographie christique, les faces fortement caricatuées des juges, illuminées par une joie hargneuse et cruelle, pouvant évoquer les visages des gardes et des bourreaux dans les représentations des scènes de la Passion.