De Sémonville, Robert Macaire, Roederer

A gauche et à droite, Charles Huet de Sémonville, debout, voûté, la mine ahurie, un mouchoir pendant à sa main gauche et Pierre-Louis Roederer, assis, les jambes croisées, l'air renfrogné. Les portraits de ces "loques vivantes", selon l'expression de Charles Philipon dans l'explication de la planche, s'inscrivent dans la série de caricatures des "Juges des accusés d'Avril". Au centre, Thiers en Robert Macaire, par son allure bravache, le torse bombé, le sourire aux lèvres, le chapeau incliné sur la tête, négligemment appuyé sur une canne, dans une attitude qui annonce le personnage de Ratapoil, contraste avec les deux figures latérales. La "Robert-Macairisation" des figures de la Monarchie de Juillet avait déjà été mis en oeuvre à plusieurs reprises dans les pages de "La Caricature". Le personnage de Robert Macaire, vaurien et escroc, dandy et arriviste, créé en 1823 par Benjamin Antier pour sa pièce "L’Auberge des Adrets" et repris avec un immense succès populaire par le comédien Frédéric Lemaitre, devient dans les années 1830 un personnage bouffon incarnant les turpitudes du régime, auquel Daumier consacrera une série de lithographies entre 1836 et 1838. L'attribution fantaisiste du dessin à "M. Rosolin", nom par lequel "La Caricature" désigne le prince héritier, Ferdinand-Philippe d'Orléans, peut être considéré comme un pied-de-nez à la censure, une manière de se dédouaner par avance d'une condamnation pour outrages : la responsabilité en incombant, personne n'étant dupe, à un membre de la famille royale. Dans les semaines où se préparent les lois répressives du 9 septembre 1835, qui conduiront à l'interdiction et de "La Caricature" et de la pièce "Robert-Macaire", le caricaturiste avance masqué.