« Qu’elles entrent », rugit Hugo

« Le Figaro illustré » publie en avril 1895, un article d’Edmond Cottinet, « Hugo galant », pour lequel Édouard de Bergevin a donné trois dessins. L’auteur y évoque d’abord un souvenir de jeunesse, datant de 1839, lorsque voyageant sur les bords du Rhin, il s’était retrouvé avec sa mère dans le même hôtel que Victor Hugo. Une anglaise de leur compagnie – dont la curiosité avait été piquée car tout le monde avait reconnu que la femme accompagnant Hugo n’était pas son épouse – brûlant de parler au poète qui fuyait ses ouvertures, s’était jetée en travers de son chemin, au bas de l’escalier et Hugo, sans sourciller, l’avait enjambée avec une goujaterie calme et parfaitement assumée. La deuxième anecdote rapportée, date, elle, de 1882. Cottinet accompagne alors « madame F. « venue solliciter du maître l’autorisation de chanter un de ses poèmes mis en musique. Hugo s’endort instantanément en tenant la jolie main de Madame F.. On apporte alors un portrait de Victor Hugo réalisé avec les cheveux d’admiratrices du Guatemala. Édouard Lockroy et l’ambassadrice qui accompagne le portrait, claironnent aux oreilles du maître l’information selon laquelle il s’agit de « vingt-huile mille sept cent trente-six » femmes, « toutes jolies ». Hugo se réveille alors et bondit sur ses pieds, le regard en feu, pour « rugir » : « qu’elles entrent ! ». C’est cette scène qu’illustre le dessin de Bergevin, avec le style brillant du portraitiste mondain se faisant illustrateur de presse. Il témoigne aussi de la manière dont la presse de droite cherche à écorner l’image de Victor Hugo.