Cette sélection thématique fait écho à l'exposition "Éléments : air, terre, feu, eau" présentée par Paris Musées place Jean Jaurès à Montreuil du 29 mai au 5 septembre 2018.
Les philosophes grecs avaient déjà noté que toutes les substances présentes au monde étaient faites à partir de quatre éléments : l’air, l’eau, le feu et la terre. Aristote y ajoute un cinquième élément, l’éther.D’autres civilisations partagent cette vision mais en changeantparfois l’un des éléments : les hindous changent l’air en « vent » etajoutent « l’espace » ; le bouddhisme inclut un élément « esprit » ;les cultures chinoise, japonaise et coréenne comptent cinq éléments,terre, eau, feu, bois et métal.
Nous vivons entourés d’air, nous le respirons et, quand il souffle, nous le sentons sur notre visage. Notre corps est composé en majorité d’eau, nous prenons plaisir à contempler les fleuves ou les lacs etparfois à nous y baigner. Même si elle est de moins en moins visible dans nos villes, la terre porte les arbres, fait pousser les fruits et les légumes que nous mangeons. Le feu enfin nous réchauffe en hiver, quand bien même les cheminées ont disparu de nos habitations. L’air, l’eau, la terre, le feu, les quatre éléments sont donc encore présents dans nos vies. Mais c’est comme s’ils s’étaient éloignés : on a relégué la terre dans des parcs ou « à la campagne », on a canalisé les fleuves, on a domestiqué le feu dans nos chaudières et dans nos centrales électriques ; les éléments ne sont désormais plus disponibles que transformés et accessibles via des bouteilles, des tuyaux, des robinets, des radiateurs, des boîtes de conserve… À quoi il faut ajouter que nos modes de vie les ont considérablement détériorés : l’air de nos villes est pollué, l’eau pure se raréfie, la terre s’épuise à force d’être exploitée et, du feu, on ne parle plus que quand il ravage nos forêts. Prendre conscience de la permanence de ces quatre éléments et de la nécessité de les préserver de nos nuisances d’hommes modernes est sans doute un premier pas.
Constituée de reproductions d’oeuvres issues des collections des musées de la Ville de Paris et d’extraits de textes littéraires, cette exposition invite à un voyage à travers l’air, la terre, l’eau et le feu qui ont toujours été, pour toutes les cultures et à toutes les époques, sujets de mythes, de contes, de chansons, porteurs d’images ou d’objets, vecteurs de peurs ou d’émerveillements. Ils sont au plus près de nos sens et, donc, à la source de nos imaginaires. En en retrouvant le goût, le flux, l’énergie et la sève, il nous devient possible de renouer avec ces pans de rêve qui s’attachent aux vents, aux tempêtes, aux dragons, aux ciels et aux oiseaux, aux fleuves, aux moulins, aux feux d’artifice, aux jardins, à la vie et à la poésie.
Esprit de l’air,
viens, viens cite,
ton conjureur
t’appelle !
Viens et réduis à néant le malheur !
Esprit de l’air,
viens, viens vite !
Je me lève
c’est au milieu d’esprits que je me lève,
des conjureurs me soutiennent
et me dressent parmi les esprits.
Enfant, enfant, grand enfant,
lève-toi et accours
grand enfant, petit enfant,
surgis parmi nous !
Aux esprits, poème Inuit
Air
Oiseaux
L’oiseau est un intercesseur entre le ciel et la terre. Il s’apparente aux fées, aux anges, aux immortels. Il est présent dans de nombreux récits. Un ballet, L’oiseau de feu, en 1910 et une pièce de théâtre, L’Oiseau bleu de Maurice de Maeterlinck créée en 1906, tous deux tirés de contes, ont à leur tour inspirés d’autres artistes.






"L'Oiseau Bleu"



Le ciel
Le ciel, qui est situé au-dessus est la demeure des Dieux, le lieu du sacré, le régulateur de l’ordre cosmique – l’empereur de Chine est le fils du ciel. Par extension, il est le symbole de la transcendance, d’un idéal à atteindre. S’y élever et s’y mouvoir, comme les oiseaux, a été longtemps, pour beaucoup un rêve.



Etude de ciel


Tempêtes
Bise, brise, bourrasque, tourmente, tempête, typhon, ouragan… D’impalpable, de doux, de rafraichissant et de transparent, l’air sait aussi devenir consistant, dur, coupant, en un mot presque solide. Phénomènes dévastateurs, les violences de l’air sont aussi le signe d’un dérèglement que l’on sait aujourd’hui d’ordre climatique et non l’expression de colères divines.



Arbre couché par le vent

Tempête

Moulins
L’air est, avec l’eau, une source importante d’énergie, de celles que l’on appelle aujourd’hui « durables ». Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les villes, et Paris en particulier, étaient plantées sur leurs hauteurs de nombreux moulins à vent – le nom des rues en témoigne encore. Parmi ceux, assez rares, qui ont subsisté jusqu’à nos jours, figure le moulin de la Galette, dans lequel se tenait un bal.






Le Moulin de la Galette à Montmartre



Montmartre, le moulin de la Galette ou le moulin Blute-fin, vu du maquis, 18eme arrondissement
Éventails
Présent sur les fresques de l’Égypte ancienne, en Chine, au Japon, en Inde et enfin en Occident, l’éventail a toujours été un accessoire utile : il permet de se rafraîchir. Quand il est richement décoré ou conçu dans des matériaux précieux, il constitue un signe de luxe. Mais il peut être, aussi, un instrument de séduction, une manière de jeu, un moyen espiègle de dissimuler paroles ou regards…





Le Triomphe de Bacchus (titre attribué)

L'Eventail



Eventail publicitaire
Voilà ce que chantait aux Naïades prochaines
Ma Muse jeune et fraîche, amante des fontaines,
Assise au fond d’un antre aux Nymphes consacré,
D’acanthe et d’aubépine et de lierre entouré.
L’Amour, qui l’écoutait caché dans le feuillage,
Sortit, la salua Sirène du bocage.
Ses blonds cheveux flottants par lui furent pressés
D’hyacinthe et de myrte en couronne tressés :
« Car ta voix, lui dit-il, est douce à mon oreille,
Comme le doux cytise à la mielleuse abeille. »
André Chénier, Poésies antiques, 1819
Eau
Poissons
Symbole par excellence de l’élément eau, le poisson est associé à la naissance ou à la régénération. Ses œufs, très nombreux, évoquent la fécondité et, par suite, l’union et l’amour. Les chinois le place sous le signe de la chance.
Pour les chrétiens, les initiales du mot grec pour poisson, « Ichtus », renvoyaient aux initiales des mots « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur -, et le poisson est donc représenté dans de très nombreux monuments paléochrétiens, notamment funéraires.



Poisson




Etui en forme de poisson articulé
Au fil de l’eau
L’impressionnisme est né aux environs de Paris, sur les rives de la Seine, de l’Oise et de la Marne. La présence de l’eau, sa fluidité, ses miroitements incessants, ses couleurs changeantes, ses jeux de miroir avec le ciel ou avec les berges ne pouvaient qu’attirer ceux qui se donnaient pour objectif de rendre au plus près la perception lumineuse de la nature.

Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d'hiver



L’eau tombée du ciel
L’eau sait prendre toutes les formes, de la plus aérienne à la plus solide, de la plus tranquille à la plus furieuse : nuage, elle parcourt le ciel, brouillard, elle flotte dans l’air, pluie, averse ou ondée, elle tombe, légère ou en rideau, clairsemée ou très dense, prise par le froid, elle se transforme en grêle, en neige, et se fige enfin quand elle devient glace.







L'averse.



































Shigure monogatari 時雨物語 ("L'ondée")





Vagabond sous la neige (Crauzat 67)
Fontaines et lavoirs
Matière précieuse entre toutes, l’eau a depuis l’Antiquité été reccueillie et canalisée, pour irriguer les cultures et pour approvisionner les villes. Dans de très nombreuses régions du monde, il faut encore aller la chercher, parfois fort loin. Signes de ces temps maintenant oubliés dans nos cités modernes, les fontaines publiques où l’on allait chercher l'eau et les lavoir où l’on pouvait laver et rincer son linge en bénéficiant, parfois, d’eau chaude.



Porteur d'eau



Un lavoir en 1880 dans le passage qui va de la rue Saint-Paul à la rue d'Antin, 2ème arrondissement, Paris.











Jeton de lavoir et buanderie valant bon pour un seau d'eau chaude, XIXe siècle
Fleuves
La plupart de nos civilisations se sont créées sur les rives d’un fleuve – le Nil, le Gange, le Tigre et l’Euphrate – et Paris s’est de même bâtie autour de la Seine. Les fleuves, l’eau qui coule et que l’on ne retient pas symbolisent le cours du monde et l’incessante métamorphose des choses et de la vie.



Actuels quai Malaquais, de Conti et du Louvre, le Louvre (galerie du bord de l'eau), pont Neuf, pointe de l'île de la Cité et Institut de France, 1er et 6ème arrondissements.






Le Pont Royal et le Pavillon de Flore
Feu, feu, feu du foyer d’en bas, feu du foyer d’en haut,
Lumière qui brille dans la lune, lumière qui brille dans le soleil,
Etoile qui étincelle la nuit, étoile qui fend la lumière, étoile filante,
Esprit du tonnerre, œil brillant de la tempête,
Feu du soleil qui nous donne la lumière,
Je t’appelle pour l’expiation, feu, feu !
Feu qui passe, tout meurt derrière tes traces,
Feu qui passe, tout vit derrière toi,
Les arbres sont brûlés, cendres et cendres,
Les herbes ont grandi, les herbes ont fructifié.
Feu ami des hommes, je t’appelle, feu, pour l’expiation !
Feu je t’appelle, feu protecteur du foyer,
Tu passes, ils sont vaincus, nul ne te surpasse,
Feu du foyer, je t’appelle pour expiation !
Au feu, peuple Fâng, Gabon
Feu
Les dieux du feu
Prométhée a volé le feu à Zeus ou l’a subtilisé à la forge d’Héphaïstos. Il en a ensuite fait cadeau aux hommes. Le feu symbolise donc l’esprit que les hommes ont utilisé pour développer, hors du pouvoir des dieux, leur intelligence et leur savoir. Dans de nombreuses cultures, le forgeron, qui maîtrise à la fois le feu et les métaux, qui fabrique les armes et les outils, est doté d’immenses pouvoirs, parfois maléfiques.







Esquisse pour le salon des Sciences de l'Hôtel de Ville de Paris : Le Feu
Jouer avec le feu
Regarder un feu est un spectacle fascinant, presque hypnotisant. « Jouer avec le feu » semble donc une opération magique – c’est le cas des cracheurs de feu – et féerique – c’est le cas des feux d’artifice. Ceux-ci ont été inventés en Chine à partir de la poudre noire, laquelle a été rapportée par Marco Polo. Le premier feu d’artifice en Europe a été tiré lors du couronnement de la reine Élisabeth d’York, en 1487.



Un cracheur de feu place de la Bastille, 11ème arrondissement, Paris.



Planche 6 : Le feu d'artifice (Vallotton-Goerg 208)

Incendie
Le feu est double. Il est au-dedans de nous et il brille en plein ciel. Il brûle et il apaise. Il détruit et il purifie. Il chauffe les aliments et il ravage les villes ou les forêts. Il surgit des entrailles de la terre et il tombe du ciel. Il s’éteint – et parfois rejaillit de ses propres cendres. Il nourrit l’amour comme la haine.



L'incendie du théâtre de l'Ambigu-Comique le 13 juillet 1827.



Panonceau de compagnie d'assurances. Paris



L'âtre (Roger-Marx 39)
Les arts du feu
Le feu permet de fondre les minéraux pour pouvoir en tirer des métaux, de fondre la sillice pour obtenir du verre, de durcir la terre et les émaux lors de leur cuisson. Il est donc indispensable à la fabrication des outils, des armes et de nombreux ustensiles de la vie quotidienne. Partant de lignes simples et communes – un couteau, une épée, une cruche –, chaque civilisation a inventé et perfectionné la science des matériaux, l’art des formes et des ornements.



Le Verrier


























Verseuse à anse zoomorphe
Le bestiaire du feu
Dragon qui crache du feu, salamandre qui vit dans la fournaise, phénix qui renaît de ses cendres, le bestiaire fantastique et mythologique contient nombre d’animaux reliés au feu. En Orient, le dragon est bénéfique ou protecteur, symbole de vie et de puissance. En Occident, incarnation de la puissance des forces naturelles, il doit souvent être combattu.







Oiseau



Panneau, Dragon polychrome



Bas-relief de la miséricorde, La salamandre, église Saint-Gervais-Saint-Protais, 4ème arrondissement, Paris
À la Terre appartiennent les quatre horizons, la nourriture et les labours sont nés sur elle ; ce qui respire et vibre, elle le porte de mainte manière ; daigne la Terre nous assigner les bœufs et l’abondance !
Porteuse de toutes choses, réceptacle des biens, contrefort, poitrine dorée, elle est celle qui arrête ce qui marche et qui soutient le Feu universel ; Indra est son taureau. Veuille la Terre nous disposer dans la richesse !
Les Dieux la gardent nuit et jour sans dormir, la vaste Terre, sans défaillance. Qu’elle nous laisse traire le suc précieux, que sur nous rejaillisse sa splendeur !
Elle fut à l’origine une onde au sein de l’océan, les sages allaient à sa recherche avec leurs magies. Au plus haut firmament est son cœur, cœur immortel de la Terre enveloppé de vérité. Veuille la Terre nous assigner éclat et force dans un empire souverain !
« Hymne à la Terre », Le Véda, Inde, IIème millénaire avant J.C., traduction Louis Renou dans La Poésie religieuse dans l’Inde antique
Terre
En pleine terre
Dans de nombreuses civilisations, la terre est incarnée par une déesse-mère, symbole de vie, de richesse et de fécondité : « Mère universelle, nous dit le poète latin Lucrève, celle des dieux, de l’homme et des bêtes sauvages ». On y pose un instant les bébés après leur naissance et les corps qui lui sont rendus après la mort. Source de vie, elle donne sa substance aux plantes dont se nourrissent les hommes et les animaux.




Jardins
Le jardin est le symbole du Paradis et le souvenir du monde d’avant les hommes. Par opposition, la ville – la Jérusalem céleste de la Bible – n’apparaîtra qu’à la fin des Temps. Dans toutes les cultures, le jardin est ainsi un miroir du monde originel ou naturel où chaque élément – la forme du jardin, les allées, les bassins, les arbres et les fleurs – prend un sens et une portée symboliques.



L'Observatoire, vu de la Butte aux Cailles
Le cèdre du Liban, au jardin des Plantes



Sous terre
Le monde souterrain est invisible, clos, froid, obscur, hanté par les monstres et les démons. C’est le lieu de la mort et, pour nombre de religions, le domaine des diables et des ténèbres. Les cavernes, où naissent parfois les dieux et les héros, sont aussi des lieux de cultes et de sépultures, à l’exemple des catacombes. Les scientifiques y trouveront de nombreux vestiges, témoins des premiers hommes et des animaux disparus.










Bête gardienne du tombeau (zhenmushou 鎮墓獸)



Terre cuite
La terre est l’un des premiers et l’un des plus anciens matériaux à la disposition de l’homme. Elle peut être utilisée crue : briques de terre sèche composée de boue (argile et limon) mêlée de foin ou de paille. Un tiers de la population mondiale vit dans un habitat en terre. La terre cuite est utilisée dans la construction – brique, tuile, carreaux –, mais elle permet aussi de fasconner des objets ou des sculptures – terre cuite ou céramique.



Tortue




Colombe
Fruits de la terre
Les fleurs et les arbres, fruits de la terre, possèdent chacun leur symbolique propre. En Chine, les pêches sont signe d’immortalité et les fleurs de pêcher symbolisent les jeunes filles. La pomme, emblème de fécondité, est le cadeau fait par la Terre à la déesse grecque Héra lors de son mariage avec Zeus. Pour les Celtes, elle représente le savoir et procure l’immortalité à celui qui en mange. Dans la Bible, la pomme du Paradis incarne la tentation et le péché originel.



Jardin de l'ancien couvent des Carmes (actuelle Institut catholique de Paris), 70 rue de Vaugirard, 6ème arrondissement, Paris




La petite [Suisse?], 32 quai de Passy, 16ème arrondissement, Paris
Retrouvez ci-dessous les oeuvres qui illustrent la couverture de ce parcours
Images d'illustrations du parcours
Boiseries



L'Air, boiserie provenant de l'hôtel du duc de Richelieu



L'Eau, boiserie provenant de l'hôtel du duc de Richelieu



Le Feu, boiserie provenant de l'hôtel du duc de Richelieu


