Qu’est-ce qu’un livre « enrichi », cette pépite unique après laquelle courent les bibliophiles ?
Il s’agit d’une alchimie entre un texte, son illustration et l’histoire même du livre.
Grâce à une exceptionnelle édition originale en deux tomes des Poésies complètes de Théophile Gautier conservée à la Maison de Balzac, nous pouvons évoquer cet écrivain, poète de génie et grand ami d’Honoré de Balzac. La singularité de cette édition tient au travail de l’illustrateur Jean Coulon qui a peint ses œuvres directement sur les pages des deux volumes. Ces Poésies complètes ont de surcroît été truffées de nombreux apports » : ex-libris, lettres et dédicaces qui évoquent la personnalité du « bibliophile », ces étonnants collectionneurs si passionnément dévoués aux livres !
Les musées de la ville de Paris cachent des trésors, et leurs bibliothèques ne sont pas en reste.
Bonne visite.
Ce parcours est né d’un partenariat entre la Maison de Balzac et le cours de gestion de projet professionnel donné à l’université Paris IV Sorbonne par Madame Christine Paul-Dauphin. Trois de ses étudiants, Grégoire Jourdan-Gassin, Ophélie Garziglia et Valentin Broche ont développé et rédigés les thématiques traitées ici.
Coréalisation : Grégoire Jourdan-Gassin, Ophélie Garziglia, Valentin Broche, Emma Dechorgnat.
Emma Dechorgnat, étudiante à l’École du Louvre, a relu et préparé la mise en ligne de l’ensemble de ce parcours.
Théophile Gautier naît à Tarbes en 1811 mais il quitte les Pyrénées dès 1814 pour vivre à Paris avec sa famille. Il y fréquente un atelier de peinture, côtoie les cercles littéraires et finit par opter pour la poésie. Après avoir défendu les romantiques, notamment lors de la bataille d’Hernani en 1830, il se montre méfiant face à leurs rêveries et s’oriente progressivement vers le principe de « l’art pour l’art », qu’il consacre dans la préface de Mademoiselle de Maupin en 1835, et qui trouve sa pleine expression dans un recueil de poèmes publié en 1852, Émaux et Camées. Au cours de sa vie, Gautier effectue de nombreux voyages prétextes à la publication de ses impressions, et qui nourrissent ses œuvres. Tout au long de sa carrière, il s’adonne à différents genres, en privilégiant le fantastique, et livre aux journaux des chroniques artistiques et littéraires qui lui permettent de vivre. Poète, critique, bibliothécaire de la princesse Mathilde, président de la Société nationale des Beaux-Arts, Gautier est un témoin privilégié de la vie artistique et mondaine de son temps. Il meurt en 1872 à Neuilly-sur-Seine.
Théophile Gautier : un personnage complexe
Les Jeunes-France : la bataille romantique
Avec des artistes comme l’écrivain Gérard de Nerval ou le graveur Célestin Nanteuil, Gautier forme le petit cénacle des « Jeunes-France » qu’il évoque plus tard, avec humour, dans son Histoire du Romantisme (1874) : « Il était de mode alors dans l’école romantique d’être pâle, livide, verdâtre, un peu cadavéreux, s’il était possible. Cela donnait l’air fatal, byronien, giaour, dévoré par les passions et les remords. »
Sa première publication en 1830, Poésies, ne brille pas par l’originalité. Deux ans plus tard, il y ajoute un poème fantastique, mettant en scène un jeune peintre victime d’une sorcière : Albertus.
Théophile Gautier participe activement au mouvement romantique. On le reconnaît à son extravagant gilet rouge et à ses cheveux qu’il garde longs « par mépris de l’opinion et du ridicule ». Il se signale par sa participation à la fameuse bataille d’Hernani, nom donné aux polémiques et chahuts qui entourèrent la pièce de Victor Hugo en 1830. La représentation sur scène de cette œuvre romantique cristallisa le conflit qui opposait alors les « classiques » partisans d’une hiérarchisation stricte des genres théâtraux, et les « romantiques » aspirant à une révolution de l’art dramatique, et regroupés autour de Victor Hugo. L’événement était passé presque inaperçu à l’époque : c’est le récit qu’en fit Gautier qui donna à la bataille d’Hernani le lustre épique qu’on lui connaît aujourd’hui.





Théophile Gautier



Portrait de Théophile Gautier
Portrait de Théophile Gautier réalisé par son ami le graveur Célestin de Nanteuil.



Un Seigneur et sa Dame dans un jardin
Dessin réalisé par Théophile Gautier





Les Classiques à la représentation d'Hernani
Une caricature se moquant des « classiques » qu’Hernani endort.
Albertus ou l'Ame et le péché



La première d'Hernani. Avant la bataille
Vers la maturité : la remise en question
Peu à peu, la frénésie romantique de Gautier disparaît et ses œuvres se teintent de pessimisme. Cette inquiétude transparaît dans le roman Mademoiselle de Maupin (1835-36), et surtout dans le recueil lyrique, La Comédie de la Mort (1838).
En défendant l’idée que l’art n’a d’autre fin que lui-même, Gautier balaie toute préoccupation utilitaire et contredit les idéaux politiques et sociaux du romantisme. C’est dans la préface de Mademoiselle de Maupin qu’il inscrit la célèbre expression qui résume la doctrine parnassienne : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien : tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. ». À sa suite, un certain nombre de poètes se réunissent à Paris chez l’éditeur Alphonse Lemerre (1838-1912), unis par le refus des épanchements lyriques et de l’engagement politique des romantiques. En 1852, la publication de son dernier recueil, Émaux et Camées, fait de Gautier la figure de proue de la poésie parnassienne.



Portrait de Théophile Gautier et de Melle Favart en costumes romains



Le Parnasse d'après Raphaël (Bartsch 247)
Dans la mythologie grecque, le mot « parnasse » désigne la montagne où habitent les neuf Muses. Les opposants à l’excès de la plume romantique ont choisi ce nom pour désigner ce nouveau mouvement littéraire prônant la beauté.





Magdeleine de Maupin



Femme en robe rose
Le culte de l’art : les voyages de l’écrivain
Après un séjour espagnol de six mois en 1840, Gautier prend goût aux voyages et s’aventure en Europe et dans le bassin méditerranéen. Ses pérégrinations lui inspirent le recueil España (1845) et des impressions de voyages qu’il publie tout au long de sa vie : Tra los montes (1843), Constantinople (1853), Impressions de voyage en Suisse (1865), Voyage en Russie (1867)… Ses excursions nourrissent aussi ses écrits, et le lecteur découvre par exemple Pompéi dans Arria Marcella ou l’Égypte antique dans Le Roman de la momie.


[Couple en conversation]


Sac acquis par Théophile Gautier lors de son voyage en Espagne
Contes fantastiques et poésie libertine
À côté de son travail poétique et critique, Gautier s’est adonné aux genres fantastique et érotique. Dans ses contes, la réalité quotidienne se teinte d’étrange et de fantastique. C’est le cas de La Morte amoureuse (1836), histoire d’un prêtre tombant amoureux d’un fantôme. On retrouve également une intrigue proche de cette intrication dans Le Pied de momie (1840) dont le narrateur, après avoir acheté le pied d’une momie, se retrouve face à la princesse venue chercher ce membre qui lui appartenait.
Les contemporains de Gautier n’ont cessé de flatter « l’originalité de son dire » et c’est bien dans ses poésies libertines que l’on peut espérer retrouver l’exubérante richesse de son verbe mais aussi, selon les mots d’Edmond de Goncourt, sa « crudité superbe, […] cette grasse et verveuse et cocasse éloquence charriant du Rabelais ».

[Allégorie de la Mort]



L'abside de Saint-Pierre-de-Montmartre





Intérieur de la chambre de Théophile Gautier. (IFF 383)



Etude de femme nue



Femme nue de face agenouillée













Le sommeil
Écrire et peindre
Pour Baudelaire, « Ce goût inné de la forme et de la perfection dans la forme devait nécessairement faire de Théophile Gautier un auteur critique tout à fait à part. » L’un comme l’autre ont laissé une abondante critique d’art destinée à la presse. Chaque année au grand Salon de peinture et de sculpture, Théophile Gautier déambule parmi les œuvres présentées, préparant quelques descriptions foisonnantes ou, bien souvent, quelques critiques acerbes.
Il s’occupe également d’archéologie, rendant compte au fil de ses articles des progrès alors accomplis en ce domaine. Il évoque les fouilles de Grèce, d’Égypte ou encore de Pompéi. Gautier critique d’art a les mêmes goûts que Gautier écrivain : fasciné par l’Antiquité et son idéal classique, il rejette toute forme d’art engagé ou social.
On le sait moins, mais lui-même s’est adonné dans sa jeunesse aux joies du pinceau, sans grand succès : les descriptions qu’il a dressées d’œuvres d’art, détaillées, abondantes et pleines de vie, ont laissé des traces bien plus profondes que ses propres peintures.








Divers croquis
Signature de Gautier en Grec ancien







Un poète











Album Chenay folio 10 recto, cinquième page de texte et 4 documents
Préface de Gautier à l’édition Chenay des gravures de Victor Hugo
L’ouvrage conservé à la bibliothèque de la Maison de Balzac est une édition de l’intégralité des poèmes de Théophile Gautier, publiée en 1875. Elle a été illustrée bien plus tard, sur le texte imprimé, par Jean Coulon (1867-1950), un dessinateur lyonnais aujourd’hui peu connu. Dans sa jeunesse, il illustre de 650 dessins La Vie lyonnaise : autrefois, aujourd’hui, un ouvrage d’Emmanuel Vingtrinier paru en 1898 qui présente les aspects pittoresques de la ville de Lyon.
Vingt ans plus tard, lors de la Grande Guerre, Coulon illustre des cartes postales. Chacune comporte une petite lettre en vers rédigée par un collaborateur, Jérôme Coquandier. Ces cartes mettent en scène un autre Lyonnais, Guignol, devenu soldat sur le front, qui échange des nouvelles avec son camarade Gnafron resté à l’arrière. Guignol se montre volontiers irrévérencieux, et plusieurs cartes ont été censurées.
Chronologiquement, le travail de Coulon sur les Poésies complètes de Gautier se situe entre La Vie lyonnaise et les cartes de Guignol. La façon dont il illustre les poèmes se rapproche davantage des illustrations du guide touristique, qui jouent elles aussi avec la mise en page du texte imprimé. Si les poèmes de Théophile Gautier semblent bien éloignés de Guignol et de la gastronomie lyonnaise, on y trouve, en fait, des échos aux figures avenantes et joyeuses de ses autres travaux.
Les illustrations de Jean Coulon
Un dessinateur qui s’adapte au texte imprimé
Les illustrations des Poésies complètes de Gautier ont été réalisées plusieurs décennies après la publication de l’ouvrage. Jean Coulon a donc dû s’adapter au texte, et inclure la typographie au sein même de ses images. Ainsi, il transforme le titre « Poésies complètes » en un livre, tandis que l’inscription « Poésies diverses » devient une étiquette. L’intégration de textes à l’intérieur de l’image, souvent utilisée par les typographes pour mettre en valeur un titre, est un procédé caractéristique de l’Art nouveau. Koloman Moser (1868-1918), par exemple, intègre dans ses modèles de vitraux ou de papiers peints des inscriptions dont la typographie complète le motif d’ensemble.





L'AFFICHE/ FRANCAISE/ GRASSET/ CHERET/ WILLETTE/ FORAIN/ STEINLEN/ IBELS/ LAUTREC/ ROEDEL/ NOURY/Direction: 14, Rue des Prêtres St.Séverin.
Une influence de l’Art Nouveau
Les illustrations de Jean Coulon reflètent une influence ponctuelle de l’Art nouveau. Il favorise les formes simples dans le dessin des corps de certains personnages, notamment ceux vêtus à l’antique. Il utilise également des aplats de couleurs, parfois vives, en particulier pour les vêtements. D’autre part, chaque forme est délimitée par une ligne noire marquée. Le dessin est souvent courbe et les cercles auréolant les figures féminines évoquent les œuvres d’Alphonse Mucha. Ces influences sont sensibles mais ne résument pas l’œuvre de Coulon. Ainsi, le batelier galant de la « Barcarole » –poème ultérieurement mis en musique par Tino Rossi sous le titre « Où voulez-vous aller ? »– évoque par son dessin plus classique les illustrations de contes de fée du XVIIIe siècle.

[Femme au paysage nocturne]



LA TRAPPISTINE

[Allégorie de la Poésie]





Vitrail pour la façade de la boutique Fouquet

[Allégorie de la Pensée]
Des techniques de dessins variées
Pour illustrer les Poésies complètes de Gautier, Coulon utilise à la fois l’aquarelle, comme sur ce dessin qu’il adjoint au poème « La demoiselle », et la gouache qui se prête moins aux nuances des étendues d’eau et aux touches légères des arrière-plans, mais qui permet un rendu plein et uni de la coloration, ainsi sur la tenue des amants de « Romance ». Dans un cas comme dans l’autre, Coulon trace systématiquement les contours à l’encre noire, selon un procédé qui rappelle la bande dessinée mais aussi l’affiche publicitaire. Il réalise en outre des crayonnés, parfois colorés, comme par exemple pour l’illustration de « Promenade nocturne ».

[Femme assise sur un banc près d'un lac]

Le Parasol


[Couple enlacé sur un banc au crépuscule]



La marche des mineurs
Un livre qui devient objet d’art et d’agrément
Jan Verkade (1868-1946), peintre qualifié de « nabi » mais que l’on peut aussi rattacher à l’Art nouveau, déclare vers 1890 : « Il n’y a pas de tableaux, il n’y a que des décorations ». La peinture déborde de son cadre traditionnel –la toile– pour décorer les objets. C’est ce que fait Jean Coulon : il illustre un ouvrage unique, sans répondre aux exigences d’un éditeur, ni reproduire ses dessins de manière industrielle. Il transforme ainsi le livre en objet d’art. Cependant, il demeure un illustrateur, et son travail garde une visée d’agrément et d’accompagnement des textes. Le statut hybride du résultat, situé entre la déférence de l’illustration et l’autonomie d’une entreprise artistique, est particulièrement visible lorsque les dessins de Coulon débordent du cadre qu’il a lui-même tracé.



















Les Quatre Saisons
L’art s’invite dans la décoration



Eventail peint : saint Georges terrassant le dragon

[Allégorie de la Renommée ou de la Gloire]
Jean Coulon illustre les Poésies complètes de Gautier à une époque où la pratique de la bibliophilie connaît son apogée, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Certains détails, précis et prisés, font de cette édition un exemple des ouvrages recherchés par les passionnés de ce domaine spécialisé.
Les pérégrinations d’un livre
Qu’est-ce que la bibliophilie ?
La bibliophilie désigne littéralement l’amour des livres. C’est un loisir qui consiste à collectionner des livres mais, contrairement au bibliomane, le bibliophile ne s’intéresse pas à la seule valeur pécunière d'un livre. Le bibliophile s’intéresse autant à son contenu qu’à ses particularités. Il acquiert un livre pour sa beauté, sa rareté, ou son histoire s’il a appartenu à un personnage célèbre ou à un grand bibliophile.
La beauté du livre, bien que subjective, peut tout de même se mesurer à la qualité du papier ou de la reliure, ainsi qu’à celle du frontispice ou des gravures présentes dans l’œuvre. Enfin, la rareté concerne le nombre de tirages d’un livre ou des exemplaires ayant traversé les âges (certains bibliophiles se spécialisent par exemple dans les livres du XVe siècle).



Portrait de l'acteur Lassouche (Louis-Ange baron Bouquin de la Souche dit, 1828-1915), en 1895
Portrait caricatural d’un célèbre bibliophile

Le bibliophile à une vente de livres.

L'amateur de livres
Frontispices
Chaque tome des Poésie complètes de Gautier illustrées par Coulon présente un frontispice, une illustration qui figure face à la page de titre : un portrait de l’écrivain en médaillon richement orné pour le premier tome, et un autre portrait à mi-cuisse, cette fois bien plus sobre, pour le second tome.
Particularité de ces deux volumes : le propriétaire des Poésies a également collé une gravure de Nanteuil sur une des pages qui précèdent le frontispice du premier tome.
Célestin Nanteuil, proche du cénacle romantique, est à l’origine des frontispices « à la cathédrale » qu’il a notamment réalisés pour l’édition de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo parue chez Renduel en 1832.

[Portrait de Théophile Gautier]

[Couple installé dans un fauteuil]

[Portrait de Théophile Gautier]





Notre-Dame de Paris. [frontispice]
Frontispice réalisé par le graveur et dessinateur Célestin Nanteuil



Victor Hugo
Ex-Libris
Le terme d’« ex-libris » vient du latin ex libris meis qui signifie « faisant partie de mes livres ». Il s’agit d’une inscription figurant à l’intérieur d’un livre et qui indique son propriétaire. Les ex-libris représentent fréquemment des armoiries ou un nom. Il s’agit souvent de petites estampes, achetées au prix de gros. La présence d’un ex-libris peut être un bon indicateur de valeur pour un bibliophile. En effet, cela peut indiquer que le livre a appartenu à un personnage célèbre.




Projet d’ex-libris de Charles Girault






Ex libris pour Marizika (recto)
Une œuvre unique
Parfait exemple de la bibliophilie, l’édition des Poésies complètes de Gautier illustrée par Coulon présente toutes les caractéristiques dont raffolent les collectionneurs. Avant toute chose, il s’agit d’uneédition dite « originale », c’est-à-dire qui présente la première version du texte publiée avec l’accord de l’auteur. C’est l’une des éditions les plus recherchées des collectionneurs. Ensuite, cette œuvre présente des illustrations originales directement réalisées sur ses pages, côtoyant le texte à la manière d’une enluminure, qui la rendent unique. Il s’agit là d’un phénomène de mode chez les bibliophiles, qui dure de la fin du XIXe siècle jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Cette pratique est une sorte de défi que se lance le bibliophile en confiant un objet précieux à un illustrateur. Par ailleurs, cette édition originale a été « truffée », selon le vocabulaire des bibliophiles, c’est-à-dire enrichie d’éléments susceptibles d’en augmenter la valeur. Notre œuvre contient ainsi un billet manuscrit de Gautier, une gravure de Célestin Nanteuil, une lettre du célèbre bibliophile Spoelberch de Lovenjoul. Il faut ajouter que les pages des livres ne sont pas toutes de la même longueur, ce qui marque la volonté du propriétaire que de ne pas les faire rogner (couper pour égaliser les dimensions) par le relieur : c’est la pratique des pages « témoins » de la fabrication d’un ouvrage.

Poésies complètes, Paris : Charpentier, 1875 ; 2 vol.
Gautier et Balzac
Si cette œuvre particulière qui relève initialement du génie de Gautier est conservée à la Maison de Balzac, elle le doit aux liens d’amitié qui unissaient les deux hommes. Gautier est en effet l’une des rares relations que Balzac ait reçues dans ce qui est aujourd’hui la Maison de Balzac.
Les deux auteurs ne partageaient pas les mêmes méthodes de travail, comme en attestent leurs manuscrits. L’écriture de Gautier est petite, soignée et régulière. En revanche, Balzac écrit rapidement et à grands traits et n’hésite pas à « caviarder », raturant avec vigueur ses épreuves d’imprimerie.
Par ailleurs, Gautier a collaboré avec Balzac. Critique d’art et passionné, il lui a transmis le vocabulaire et la compréhension nécessaires à une réécriture crédible de la célèbre nouvelle parue en 1831 : Le Chef-d’œuvre inconnu. Cette nouvelle qui met en scène le jeune Nicolas Poussin décrit l’histoire d’un vieux peintre, Frenhofer, persuadé d’avoir réussi à donner vie à sa peinture. En 1931, Pablo Picasso illustre cette nouvelle à la demande d’Ambroise Vollard et, quelques années plus tard, il loue un atelier situé rue des Grands-Augustins dans l’immeuble même que Balzac avait choisi pour abriter l’atelier où se situe le début de son roman. C’est dans ce bâtiment que Picasso peint Guernica en 1937.





Loin de Paris - Notes de voyage - Florence [22-30 septembre 1850]



Manuscrit de la Préface pour Le Cabinet des Antiques par Honoré de Balzac
